A…Assemblée des habitants #ChallengeAZ 2017

Nos  recherches se concentrent essentielles sur des individus isolés, sur une famille mais il est moins évident de s’intéresser à la totalité d’un village ou d’une communauté, rares sont les documents qui le permettent. Les actes d’Assemblées d’habitants sous l’Ancien Régime nous en racontent un peu plus sur la vie au sein du village.

            Dans ces actes, le curseur n’est plus positionné sur un individu mais sur un groupe qui va prendre des décisions touchant la totalité d’une communauté d’habitants. Ancêtres des délibérations du Conseil municipal instauré, avec la création des communes, sous la Révolution, ces actes permettent de comprendre l’organisation et le fonctionnement d’une paroisse, d’une église et plus largement d’une communauté villageoise, dans laquelle chacun a sa place. Ils permettent de nous immiscer au sein d’une communauté qui semble être très codifiée et soucieuse de la tradition et de la coutume.

            Au hasard de mes recherches dans les archives notariales du XVIIIe siècle, j’ai collecté une vingtaine d’actes, principalement pour les petites et très rurales paroisses où vivaient la majorités des ancêtres de mes grands-parents maternels, Mérobert (9) et Congerville (7),  Oysonville (2), Gaudreville (1), Thionville (1) entre 1735 et 1788, toutes situées de part et d’autres des frontières actuelles de l’Essonne et de l’Eure-et-Loir.

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Extrait de la carte de Cassini, Région d’Etampes

            Les Assemblées des habitants sont très codifiées, la convocation se fait par les syndics ou les marguillers, à la sortie de la grand messe, au son de la cloche et en présence d’une grande partie des habitants.

Congerville, le 26 décembre 1736 (AD91_2E38/1)

« Aujourd’huy mercredy vingt six
décembre mil sept cent trente six à
la requeste de Sieur Pierre DRAMARD receveur de la
terre et seigneur de Congerville y demeurant et sindic
de la ditte paroisse, Je me suis Jacques Guillaume BLANCET
notaire royal (…) soussigné transporté audit Congerville
issue de vespres dites chantées et célébrées en
l’église dudit lieu lequel sieur DRAMARD après avoir
fait sonner la cloche, manière ordinaire de convoquer
les assemblés des habitants pour délibérer des
affaires communes de la ditte paroisse, les
habitants en sortant en grand nombre se sont
trouvés (13 témoins)
et plusieurs autres tous représentant la plus
saine et notable partie des habitants dudit lieu (…) »

Plus de 50 ans après, toujours à Congerville, la manière de convoquer de l’Assemblée n’a pas beaucoup changé.

Congerville, le 13 avril 1788 (AD91_2E37/34)

« Aujourd’huy treize avril mil sept centre quatre
vingt huit, à la requête de Charles Louis Philippe SAMSON ouvrier
en laine demeurant à Congerville, au nom et comme principal
marguillier boursier de l’oeuvre et fabrique de St Gilles et Saint Leu
dudit Congerville, je me suis Corneille SAVOURÉ notaire (…)
avec les tesmoins cy-après nommés soussignés
transportés au ban d’oeuvre de laditte fabrique ou étant issue des
vespres dittes et chantées dans ladite eglize les habitants y assistants
en grand nombre, après que la cloche a cessée de sonner pour ladite
convocation des habitants à la présente assemblée qui a été par le
sieur curé cy après nommé annoncée aux prosnes des messes paroissialles
par trois jours de dimanches consécutifs être à tenir ce jour lieu et
heure ; à laquelle assemblée se sont trouvés et étoient présents Sr.
Pierre MOIZANT prestre curé de ladite paroisse, Sr Pierre MARCHON
laboureur receveur et sindic de ladite paroisse, (noms des 15 témoins)
Tous demeurants audit Congerville représentant la plus seine et notable partie des habitants (…) »

            Ces témoins qui représentent l’ensemble des habitants sont réunis pour “conférer des affaires de laditte paroisse » (Mérobert, 1739),  mais qui sont-ils ? L’ensemble de la hiérarchie socio-économique de la population est représenté. Ceux qui sont censés être les plus fortunés comme les laboureurs, quelques marchands sont fréquemment présents ainsi que le prêtre, mais il faut également compter, à proportion égales parfois supérieure, sur les présences des petits métiers journaliers (charretiers, manouvriers, hommes de peine), des ouvriers en laine et des artisans. Cette “notoriété” reposait-elle davantage sur la réputation que sur la richesse?

            Les décisions qui sont prises lors de ces Assemblées semble l’être de manière démocratique  et collégiale ,“d’une mesme et unanime voix”.

            A travers ces actes d’Assemblée, il est possible de percevoir l’ organisation d’une communauté d’habitants et d’entrevoir les postes clefs de cette société villageoise.

On retrouve les deux fonctions principales pour la gestion d’une paroisse  :

            Premièrement, le syndic est chargé, au sein d’une communauté rurale, d’administrer et de gérer les affaires et intérêts communs des habitants.

Ainsi dans la paroisse de Mérobert, on assiste en 1741 à la nomination du syndic pour trois ans.

Mérobert, le 15 octobre 1741 (AD91_2E38/2)

« Aujourd’huy quinze octobre mil septembre
cent quarente à la requeste de Jacques
SAMSON principal marguillier et boursier de l’oeuvre
et fabrique de l’église de Mesrobert en vertu de
l’ordonnance de Me Pierre ARDYE subdélégué de Monseigneur
l’Intendant d’Orléans au département et élection de
Dourdan en datte du vingt septembre dernier
à l’effet de nommer un nouveau sindic de la
ditte paroisse pour la présente année mil sept
cent quarante et un et pour exercer ladite charge
pendant trois années consécutivement (…)»

Pour cette année, sur décision de l’ensemble des habitants, c’est Toussaint RUZÉ qui est chargé des affaires de la paroisse pour trois ans :

« (…) tous d’une commune et unanime voix ont
nommé pour sindic de ladite paroisse
la personne de Toussaint RUZÉ demeurant
audit Mesrobert lequel sera tenu accepter
laditte charge et en faire l’exercice pendant
trois années (…) »

Il semblerait que Toussaint RUZÉ ait été un bon syndic pendant son « mandat », on le retrouve au même poste en 1747 et 1748.

            Autres personnages clefs, les marguilliers sont en charge de l’œuvre et de la fabrique, c’est à dire l’ensemble des biens matériels et immobiliers d’une église paroissiale. Les marguilliers sont responsables de la gestion des propriétés et des revenus de l’église qu’ils ne peuvent aliénés qu’avec l’autorisation du Conseil de fabrique.

            Dans une paroisse, le prêtre se consacre au spirituel, le marguillier au temporel.

Comme le syndic, les marguilliers sont nommés par les habitants mais non pas pour trois mais pour un an.

Oysonville, le 31 décembre 1747 (AD91_2E38/5)

« (…) l’assemblée des habitans à esté convocquée par Michel
BERNIER et Prothais BERNIER ouvriers en bas, marguilliers
en exercice de l’oeuvre et fabrique de l’église dudit lieu
d’Oysonville y demeurants en la présence et du
consentement de Me Jean François DESHAYES prestre
curé de la paroisse dudit lieu et à l’effet de recueillir les
voix pour la nomination des nouveaux marguilliers
pour la prochaine année mil sept cent quarante huit
à laquelle assemblée se sont trouvés (noms des 15 témoins)
et autres habitans soussignés faisant et représentant
la plus grande saine et meilleure partie des
habitans dudit lieu d’Oysonville y demeurants tous
lesquelles d’une commune et unanime voix ont
nommés et nomment pour premier marguillier
la personne de François PLÉ mareschal et pour
second marguillier la personne de François LANGLOIS
maçon pour gérer les affaires de l’œuvre et fabrique
dudit lieu (…) »

L’Encyclopédie présente deux des principales missions des marguilliers qui peuvent être illustrer avec les actes d’Assemblée de Mérobert.

            – “Les marguilliers sont dépositaires de tous les titres et papiers de la fabrique, comme aussi des livres, ornements, reliques, que l’on emploie pour le service divin“. Il s’agit de garantir et de conserver les droits de propriétés de la fabrique afin de permettent de percevoir les revenus qui y sont attachées.

En 1736, les marguilliers de la fabrique et de l’œuvre de Mérobert procède à l’inventaire de toutes les pièces.

Mérobert, le 19 novembre 1736 (AD91_2E38/1)

« (…) à la requeste de Jean MARAIS laboureur demeurant audit lieu au nom et
comme principal marguillier et boursier de l’oeuvre et fabrique
de l’église de Notre Dame dudit Mesrobert et de Mamet POIRIER
second marguillier de ladite oeuvre et fabrique à l’effet de procéder
à l’examen et inventaire des titres, papiers et enseignements
concernants les biens fonds de ladite œuvre et fabrique, la ou estant
en la présence et du consentement de Messire Charles LAMBERT
prestre prieur et curé dudit Mesrobert avons procédé audit
inventaire ainsy qu’il ensuit
Premièrement nous nous sommes transportés dans la
sacristie de l’église dudit lieu ou estants avons trouvé un
coffre fermé sous deux clefs offensives et deffensives dont
l’une reste ordinnairement entre les mains dudit sieur prieur et
l’autre en les mains du marguillier en charge de ladite
oeuvre et fabrique après l’ouverture duquel coffre avont
trouvé les titres et papiers suivantes (…) ».

A la suite de cette introduction, toutes les titres et papiers sont inventoriés. On y retrouve des testaments au profit de la fabrique, des actes de fondations de messes ou de rentes, des baux, des procès-verbaux de visites épiscopales, des quittances et quelques comptes de marguilliers.

            Au total une cinquantaine de pièces en papier ou parchemin dont la plus ancienne date du 17 novembre 1470.

« Item la grosse en parchemin d’un contract portant création
de vingt de rente annuelle au proffit de l’oeuvre et fabrique
dudit Mesrobert passé devant BIDIER nottaire en datte du
dix sept novembre mil quatre cent soixante dix par
Paquet ROUAN à prendre sur la maison située audit Mesrobert
carfour dudit lieu inventorié et cottée N».

            – « Ils (les marguilliers) font les concessions des bancs, et administrent généralement tout ce qui appartient à l’église ».

            Ainsi le 13 septembre 1772, à la requête Denis MARCILLE, principal marguillier de la fabrique de Mérobert, les nouveaux bancs qui viennent d’être installée dans l’église sont mis aux enchères…Revenez demain, vous en saurez plus!

            Les affaires soumises aux délibérations des habitants étaient nombreuses, on peut en citer deux autres découvertes au gré de mes recherches :

            – La répartition de l’impôt

            La levée de l’impôt se faisait au sein de la paroisse, le montant de la taille était réparti entre les habitants en fonction de leurs revenus par les collecteurs. A la suite d’une commission et sur avis des habitants ils rédigeaient les rôles de taille dans lesquels étaient inscrits les noms des contribuables avec le montant du.

Oysonville, le 22 décembre 1748 (AD91_2E38/4)

« Lesquels sans (?) entendre
la lecture de la commission des tailles pour la prochaine
année mil sept cent quarante neuf ayant délibéré
ensemble sur l’assiette qui sera ordonnée par ycellle (…-.
Ont d’un commun accord et unanime voix enjoint
comme par ces présentes ils enjoignent au sieur Louis
Philippe GUENNE et Jean LASNIER demeurants tous
deux audit Oysonville collecteurs nommés pour le
recouvrement des tailles de la susditte parroisse pendant
laditte année d’imposer en leur rolle des tailles la
personne de Jean CAILLAUX (…)».

Dans la paroisse voisine de Mérobert, le même jour et par le même notaire :

« (…)Lesquels après que lecture
leur a esté faitte de la commission des tailles de laditte
parroisse pour l’année prochaine mil sept cent
quarante neuf, ayant délibéré ensembles sur l’assiette
ordonnée par y celle ont en commun
accord et unanime voix enjoint comme par les
présentes ils enjoignent à Sieur Antoine BLIN huissier
royal au baillage d’Etampes, Philippe BOUREAU
manouvrier et Estienne DAUBIGNARD berger tous
trois demeurants à Mérobert, collecteurs nommés
au recouvrement des tailles de laditte parroisse pendant
la susditte année d’imposer en leur rolle des tailles
la personne de Charles Antoine Denis Daniel
laboureur demeurant audit Mérobert, à la somme de
cent soixante huit livres de principal de taille (…) »

            – L’entretien des édifices

            Les travaux de l’église et le presbytère qui appartiennent à la fabrique étaient financés par les différents revenus perçus par l’église et devaient être présentés aux habitants.  Patience, vous en saurez davantage plus tard…Rendez-vous le 6 juin !

            Cette source étant d’une richesse infinie, je ne résiste pas à vous faire patienter pour en savoir plus sur ces documents à travers les lettres à venir.

        A demain pour la lettre B… Petit indice : du monde assis dans une église.

 

Un exemple d’acte d’Assemblée des habitants.

Mérobert le 15 octobre 1741, acte portant nomination d’un nouveau syndic.

4 réflexions sur “A…Assemblée des habitants #ChallengeAZ 2017

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